La légende de Yaya (6)

Publié le par Le monde de Nilumel

- 6 -
 
Nous reprîmes notre périple. J’étais épuisée et j'avais une faim de loup. J’avais marché tout l’après-midi et je n’avais plus de goûter. Je ruminais de sombres pensées. Cependant, je savais où j’étais. Pas très loin derrière moi se trouvait "La Plaine". Je pouvais m'échapper et, menue comme j’étais, je pouvais me glisser à travers la bouche d’égout. De là, il me serait facile de descendre en courant le boulevard Chave et de retrouver ma rue. Mais... le vieil homme... l’homme noir... et toutes les autres horreurs que me racontait ma mère... A tout prendre, ce rat me semblait plus rassurant et puis, il me semblait qu’il pouvait me mener vers YAYA.
 
Peut-être devrais-je lui parler, l’amadouer. J’essayais d’être sympathique.
- Je m’appelle Nicole. Et toi, comment t’appelles-tu ? 
- Je n’ai pas de nom. Je suis le rat qui te conduit dans les égouts et tu as intérêt à accélérer le pas car on traîne trop, ce n’est pas bon ! 
Déçue par cet échec, je le suivis sans mot dire.
Plus loin, il s’arrêta, soudain aux aguets.
Je prêtais l’oreille et j’entendis comme un pas, mais faible, soyeux, se rapprochant de nous. Bientôt j’aperçus un petit rat qui, dès qu’il se trouva à notre portée, se dressa sur ses pattes de derrière et se mit à se dandiner comiquement en m'observant.
- Bonjour Fillette ! susurrat-il. Oh! mais tu ressembles à Mél... 
-Tais-toi, tu parles trop, lui aboya mon accompagnateur.
Le petit rat ne sembla pas impressionné par sa remarque.
- Moi, je suis Lodi, une fille, comme toi, mais en rat. Viens t'asseoir là, à coté de moi et raconte-moi comment c’est, là haut, comment on vit, le jour, dans la ville. Je ne connais que la nuit, le noir et le silence. 
 
La petite rate était adorable. Ses oreilles, assez grandes, étaient rose clair et bien ourlées, son petit museau propre et brillant, ses deux petites dents en avant très blanches. Elle me regardait avec des yeux pleins de malice. Alors, assise sur un trottoir d'égout entre deux rats étranges et curieux, je me mis à leur parler des rues, des maisons, des trottoirs, des gens, de l’école, de ma famille, de ma vie... Lodi me fixait avec un regard émerveillé, et, insensiblement, bercée par mes paroles et la douce chaleur qui émanait de la fourrure des rats, sans m’en rendre compte, je glissais dans le sommeil...
Je me réveillais en sursaut. Lodi était toujours assise à mes côtés et me regardait avec attention. Le grand rat avait disparu. Mais, j’étais toujours dans les égouts et mon moral était au plus bas, d’autant que j’avais un peu rêvé de ma mère et je pensais à son inquiétude, j'avais envie de me retrouver en sécurité dans ses bras. Dans mon songe, j’avais aussi entendu un air de musique, beau et mélancolique qui augmentait encore plus ma peine.
 
- Viens, Nicole, dit Lodi, je vais te montrer quelque chose d’extraordinaire.
Je la talonnais dans un lacis de petits couloirs qui montait en pente raide et bientôt nous nous retrouvâmes devant une bouche d’égout.
- Suis-moi, dit-elle en se faufilant dans la fente.
Et, je me trouvais, au coeur de la nuit, au centre de La Plaine, sur le mamelon herbeux où étaient plantés les beaux magnolias et là, je demeurais le souffle coupé...
J’étais rarement sortie le soir et toujours encadrée par mes parents. Pour moi, c’était une corvée, synonyme de fatigue, de sommeil et de froid.
Mais ici, quelle splendeur! Aux alentours, le quartier était calme, les bruits de la ville étaient comme assourdis, les réverbères répandaient une lumière douce et dorée sur les platanes de la périphérie. Le guignol était dans l’ombre, muet, mystérieux et la barrière en fer se découpait en dentelle.
Personne sur la place et dans le jardin d’enfants. Tout était silencieux.
- Regarde! me dit la petite rate.
 
Nous nous sommes assises dans l’herbe et renversant nos têtes, nous avons contemplé le ciel parsemé d’étoiles. Il avait la profondeur des violets intenses, les cimes émeraude des magnolias formaient une couronne sombre. C’était magique... Jamais je n’aurais pu imaginer qu’un endroit, si bruyant, si poussiéreux les jeudis après-midi, pouvait receler autant de charmes et de plénitude. Même l’air de la ville embaumait. Je me sentais à l'abri, protégée par les branches basses des grands arbres.
Puis, nous redescendîmes sur terre.
- C’est mon coin préféré, dit Lodi, mais il fait un peu froid, rentrons! et pfuit... elle détala.
 
* * *

  Suivant
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
M
<br /> Ah, ça y est ! La petite Nicole est sortie des égoûts ! Dis moi, t'es vraiment allé dans les égoûts ?<br /> <br /> <br />
Répondre
L
<br /> <br /> Non, je ne crois pas que les égouts de Marseille se visitent comme ceux de Paris, mais je suis allée à un endroit dont je parle plus loin dans mon histoire <br /> <br /> <br /> <br />